« Tu n’as jamais pris au sérieux l’inutile. »
Pour la première chronique des 68 premières fois, il fallait un livre fort, un livre chouchou. A ce stade, 30 livres lus et Nos âmes seules est dans mon top 5, sans hésitation!
Clément.
Myriam
Meryl
JJ
Léonore
Cherkely
Marie
…
Dresser la liste des personnages d’un roman une fois celui ci refermé depuis une semaine est chose rare chez moi, incapable de me souvenir d’un nom. Pourtant, des personnages qui habitent le roman de Luc Blainvillain, je m’en souviens. Comme des visages que j’aurais pu croiser, ils sont là, permanents.
Rien que cela me trouble.
Tout ce roman me trouble.
Nos âmes seules est un roman insidieux, il s’insinue alors que vous le pensiez inoffensif. La capacité de l’auteur à créer une vraie puissance, parfois violente, avec un style d’écriture simple et extrêmement épuré est bluffante. Il offre des phrases que l’on note, énonçant en quelques mots l’évidence que l’on cherchait à définir. Il tend à démontrer que la force d’un roman ne se trouve pas dans un phrasé d’une richesse trop écoeurante, qui finir par perdre son lecteur, tout est limpide ici, tout est tranchant.
Une plongée dans le monde de l’ambition et de l’entreprise, de la quête et l’usage d’un pouvoir, de l’infinie solitude du leader au milieu de la foule qui l’harangue, de ce que l’on est prêt à faire pour se donner l’illusion d’être aimé.
Clément ou un personnage qui hante longtemps, qui n’est finalement que le reflet d’une génération, d’une partie de nous en quête de sens, même s’il est inutile. Un homme que l’on se prend à aimer, et à vouloir protéger, alors même qu’il aurait pu être celui que l’on déteste, tant il nous ressemble dans notre soif insatiable de reconnaissance.
Une écriture fine et oscillant entre le simple mais vrai et le fulgurant, comme pour faire tanguer le lecteur qui ne s’attendait pas à la vague.
Un roman entêtant et déroutant. Un auteur qui entre aujourd’hui dans mon (très sélect) carnet des incontournables!
Parce qu’un roman, c’est un auteur mais pas que, un bravo à la talentueuse Lisa Liautaud, , éditrice notamment d’Erwan Larher et de Sigolène Vinson! Tout est réussi dans ce roman, y compris la couverture ! Bravo Plon pour cette jolie rentrée, je vous parle vite de deux autres de leurs nouveautés !
Extraits
« L’idée qu’une vie, une vie ordinaire se déroule ainsi, aux heures de bureau, ne le réconforte guère. C’est justement à cela qu’il a toujours voulu échapper. Cette juxtaposition d’instants creux, de tâches minuscules ne débouchant sur rien, cette duplication sempiternelle du présent. »
« Deux personnes suffisent à former un petit troupeau. Le couple offre une grégarité liminaire tout à fait suffisante, plus légère pour les transhumances et non moins rassurante. »
« Toutes les mères profs rêvent de pondre un petit Rimbaud, pas un arriviste frelaté, racorni à vingt-cinq ans, ravalant sa rage, puisant dans le calcul le courage d’être lâche. »
« L’entreprise, c’est le monde, ni plus ni moins. Les alliances et les intérêts y sont seulement un peu plus lisibles. »