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La vie est une fiction, par Gilles Paris

17 Mai

La seule vraie richesse, ce sont les rencontres, celles qui vous touchent pour toujours, celles qui éclairent un moment, les éphémères ou les longues. Toutes façonnent votre vie et la conception de votre monde.

C’est donc de ces rencontres phares que j’avais envie de parler, il y a eu Erwan et Sandra qui sont venus vous livrer avec sincérité et douceur leurs visions du chemin ensemble. J’ai eu envie de prolonger l’aventure.

Aujourd’hui, c’est sous une autre forme qu’elle revient et c’est surtout un joli cadeau que m’a fait une personne précieuse, Gilles Paris. Il fait partie de mes rencontres, celles qui m’ont donné envie d’avancer sur ma voie, qui ont réussi en un regard ou quelques mots à me dire que tout n’était pas vain.

Gilles avait envie de vous raconter non pas une rencontre, il est généreux, mais plusieurs! Celles faites dans les salons, des rencontres d’un autre temps, comme suspendues avec ses lecteurs et les autres auteurs. Avec ces mots tendres et doux, il vient vous les conter à l’oreille.

Trop bavarde, je lui laisse la place. Un merci immense Gilles pour ce merveilleux présent!

La vie est une fiction par Gilles Paris

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Ma nature étant plutôt sociable, je m’étonne parfois d’apprécier autant la solitude et mes arrivées matinales au bureau, le portable muet et ce couple d’heure où je travaille en silence. Je ne sors pas le soir, j’aime la quiétude de ces instants à lire, regarder la télévision et parcourir mon mur Facebook à la recherche de photos et commentaires qui me donnent envie d’ouvrir le dialogue. Un ours bien léché, voilà ce que je suis la plupart du temps.

Mais quand vient la parution d’un de mes romans, l’ours sort de sa tanière et parcours la France. Pour mieux me faire connaître, diront certains. Je confirme. Mais surtout pour rencontrer tous ces lecteurs anonymes qui m’ont lu, ne me connaissent pas, ou intrigués par mon sourire viennent à moi. Si je sourie, c’est parce que je suis timide, en fait. C’est toujours préférable à la lecture des textos ou du journal.

J’ai remarqué au fil des années que mes livres plaisent aux adolescentes et aux femmes. Peu d’hommes. Leurs épouses disent qu’ils préfèrent les polars ou les essais. Au salon de Nice, pourtant, un père et son fils sont restés près d’une heure à discuter, avant de repartir avec mes trois romans, écrits à dix ans d’intervalle. À Autun, en Bourgogne, un petit garçon de dix ans voulait savoir s’il pouvait lire Autobiographie d’une Courgette. J’ai répondu « oui et non ». Oui, parce que j’ai fait de nombreuses rencontres dans les écoles, et les enfants me lisent dès l’âge de 9/10 ans. Rien de cru, dans mes romans, et une approche du drame qui les intrigue du haut de leur petit âge. Non, parce que c’est finalement aux parents de décider si mes livres peuvent être lus ou non par leurs enfants. Ce petit bonhomme est revenu avec son père qui m’a demandé une dédicace. Peu de temps après, l’homme est de nouveau face à moi. Il n’est pas le père, mais le tuteur du garçon qui a passé sa petite enfance dans une maison d’accueil. Il voulait offrir un livre à ce gamin qui ne souhaitait que mon deuxième roman.

Les rencontres dans les salons ou les libraires sont émouvantes, drôles, tendres, parfois tragiques. Je me souviens encore en 2002 de cette femme qui m’avait jeté au visage Autobiographie d’une Courgette, après avoir lu la quatrième de couverture. « Comment pouvez-vous écrire des horreurs pareilles ! » m’avait-elle dit avant de s’enfuir et me laisser tremblant sur ma chaise. Parfois, on me demande où sont les toilettes et pourquoi Marc Lévy n’est pas resté plus longtemps, ou pourquoi Patrick Poivre d’Arvor n’est pas venu.

A Nice, après une conférence autour de la dépression à partir de mon troisième roman, Au pays des kangourous, une dame m’attend au bas de l’estrade et me dit « c’est un sujet qui m’intéresse. Mon fils s’est suicidé à cause de la dépression ». J’ai envie de retourner à mon stand, mais impossible de laisser cette inconnue dans une pareille détresse. Je choisis mes mots, je fais attention à ce que je dis. Je connais la fragilité de ces parents qui ont perdu un enfant. Le taux de suicide dans la dépression est un thème que je n’aborde pas dans les conférences. Trop dur. J’essaye de la déculpabiliser. Les dépressifs s’enferment dans un silence et ne se confient plus à leurs proches. Je ne suis rien pour cette belle femme élégante. Juste une branche à laquelle elle se tient un instant. Elle m’accompagne au stand et me demande une dédicace. Le prénom est masculin. « Votre fils ? », je demande alors que je connais la réponse. Je dis « je ne peux pas dédicacer le livre à un mort. J’ai besoin d’y accoler votre prénom. La vie doit continuer ». Elle me regarde. Sa tristesse et sa résignation s’imprègnent en moi comme une éponge.

A Colmar, trois adolescentes m’accueillent dès l’ouverture du salon. Chacune demande une dédicace sur mes trois romans. Elles ont lu un article, une publicité comme je l’entends souvent en province, mais elles ne savent plus où. D’autres m’ont entendu sur France Culture où je n’ai pas encore été invité. Plus surprenant, une dame m’affirme à Vannes qu’elle m’a vu le samedi soir sur « On n’est pas couché » l’émission de Laurent Ruquier. A Metz, je retrouve Vincent que j’ai connu virtuellement sur Facebook et qui, depuis, est devenu un véritable ami.

Au Mans, j’aperçois une certaine Charlotte, venue assister à la rencontre que je donne avec Marie-Adélaïde Dumont à la librairie Doucet. Elle ne sait pas que j’ai pour habitude, où que j’aille, de choisir un visage qui me rassure, vers lequel je me retourne souvent, où je puise l’énergie de poursuivre. C’est à cause d’elle, d’ailleurs que j’écris cette chronique. À Sète, c’est un couple, assis au deuxième rang, attentif, que je ne quitterai pratiquement pas du regard pendant le café littéraire auquel m’a convié Tino di Martino.

Bien sûr, brave pomme que je suis, je repars parfois avec des manuscrits que je n’aurais pas le temps de lire. Comment dire à ces jeunes et moins jeunes auteurs qui me regardent comme si j’étais une sorte de messie, que je compte les heures qui me séparent de mon métier de communicant et de cette irrésistible envie et besoin d’écrire ? Voilà bien longtemps que je n’ai pas eu le temps de m’acheter un pull ou un CD, de visiter une expo, d’aller au cinéma, ou de me promener au jardin du Luxembourg sans autre but.

J’aime ce regard doux et attentif des lectrices ou des lecteurs sur moi comme s’ils souhaitaient autant se faire aimer que moi d’eux. Parfois j’aimerai les inviter à dîner ou prendre un café, mais je n’ose pas. Christine a fait plus de deux cent kilomètres pour venir me voir à Colmar. Régine près de 75 pour me rencontrer à Merlieux. Depuis nous sommes devenus amis. Elle organise même une fête du livre « Fée Clochette », le samedi 18 mai au café Louise à Paris. Une mordue du livre, passionnée par les auteurs, qui ne vient pas du milieu de l’édition.

Et puis, toutes ces fêtes du livre n’existeraient pas sans les écrivains. Quelle joie de parcourir ces salons avec des auteurs que je retrouve toujours avec autant de plaisir. Harold Cobert, Emilie de Turckheim, Alma Brami, Corine Royer, Grégoire Delacourt, Janine Boissard, Adrien Goetz, Marie-Claude Gay, Brigitte Kernel, Thierry Vieille, Delphine Bertholon, Akli Tadjer, Eve de Castro, Valentin Musso, David Foenkinos, Marc Siger, Jacques Béal, pour ne citer qu’eux. J’ai partagé la complicité d’une cigarette sur le trottoir avec Corinne ou Harold, d’un fou rire avec Alma dont j’ai oublié l’origine, d’un repas à Nice au soleil avec Valentin, de photos avec Brigitte que nous avons aussitôt envoyé sur Facebook, d’apartés avec ma confidente Janine, de traversées de mer avec Marie-Claude ou Adrien, d’une fête à Villefranche avec Akli, d’un retour de Saint-Tropez en voiture avec Thierry, d’une conversation profonde avec Marc, comme on peut en avoir, parfois, avec des inconnus…

Et à Limoges, alors que je recevais le Prix Cœur de France pour Au pays des kangourous, j’ai fait signe à Grégoire de monter sur scène à mes côtés, l’ancien lauréat de ce Prix, avec lequel j’avais échangé quelques mots sur Facebook. Depuis, c’est un ami. Il prend soin de moi. Souvent un texto pour savoir comment je vais, ou si j’ai eu un retour d’Héloïse d’Ormesson pour mon prochain roman L’été des lucioles, qui sortira en janvier 2014.

Et malgré ce tourbillon d’émotions et de belles rencontres, je suis heureux de rentrer chez moi. Je me rends compte à quel point ces week-ends de salon, où ces journées en librairie m’apportent tout l’amour dont j’ai besoin pour me tenir debout. Ou assis, derrière mon ordinateur. La mère de mon prochain narrateur, n’est-elle pas libraire ? Dans L’été des lucioles, j’évoque ces rencontres que je transforme en fiction. À Fuveau, une lectrice s’approche de moi. Elle choisit Au pays des kangourous. Je lui demande son prénom. Elle dit « celui que vous voulez ». Le stylo suspendu, je la regarde intriguée. Elle se penche vers moi et ajoute « j’adore que les écrivains m’inventent un prénom ». Je dédicace au nom de Claire. Le prénom que je vais choisir ensuite, pour la mère de Victor dans L’été des lucioles.

La vie est une fiction.

Dernier livre paru : Autobiographie d’une Courgette (Etonnantissimes ! – Flammarion avril 2013). Une version augmentée et illustrée par Charles Berbérian.

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La rencontre (suite)

12 Avr

Comme promis, la suite de l’interview d’hier! Merci encore à Erwan et Sandra pour… tout!

8.Votre lieu de création fétiche ? Sandra, grande voyageuse, un endroit particulier pour se ressourcer ? Erwan, la solitude n’importe où ?

Sandra: N’importe quel endroit que je ne connais pas.

Erwan: Pas n’importe où, non. Plus les lieux sont chargés, d’histoire principalement, mieux je travaille. J’ai été gâté ces dernières années avec des résidences au monastère de Saorge, à l’abbaye de La Prée, un appartement dans une maison XVIè du vieux Tours. Mais, peut-être parce que j’ai passé ma vie à déménager (plus de 35 fois ai-je compté un jour), je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un chez moi, d’un endroit avec mes livres, mes brouillons, qui serait à la fois une retraite et un lieu ouvert aux amis et, plus largement, aux écrivains. C’est en cours…

9.Quand on lit dans vos interviews précédentes que selon Sandra la liberté est une addiction (et que l’instabilité est épanouissante) et que pour Erwan écrire est un acte chronophage et surtout solitaire qui pourrait bien lasser sa compagne, comment concilie t on ces contradictions pour trouver la recette d’une relation qui dure ?

Erwan: Pfff, les recettes… Les meilleurs plats sont des recettes inventées, ou détournées. On fait notre tambouille avec l’amour comme ingrédient principal, en essayant de prendre en compte les goûts de l’autre. Je ne vais pas être original en affirmant qu’il faut se parler, s’écouter, s’oublier parfois, se respecter. Et savoir mettre l’ego et la fierté de côté de temps en temps.

Sandra: On s’en fout que ça dure, non ? Alors loin de nous l’envie de trouver cette fameuse recette (de toute façon je ne les suis jamais). Pour Erwan comme pour moi, le couple n’est pas un besoin. C’est un plus, une évidence, une envie.

Nous n’avons pas choisi. Au contraire même, puisqu’au moment de notre rencontre, nous voulions tous les deux rester célibataires pour nous consacrer à nos projets. Mais l’amour ne nous a pas laissé le choix, alors depuis, nous composons ensemble, maladroitement, notre mélodie singulière.

Erwan: Oui, voilà, bien dit ! (Sauf le « maladroitement » : je nous trouve plutôt fortiches, moi…)

Crédit photo: Nora Aguerguan

Crédit photo: Nora Aguerguan

10.Un projet commun à venir ? A envisager ? A rêver ?

Erwan: Se projeter, étymologiquement, c’est se jeter vers l’avant. Je ne suis vraiment pas très doué pour cela (je déteste prévoir), et Sandra vient de faire paraître un livre qui s’appelle Je t’aime maintenant. Nous sommes tous les deux, je crois, plus dans l’instant et le présent que dans les projets.

L’univers créatif de Sandra est très différent du mien. C’est ce que je trouve passionnant. Photo, musique, écriture : elle est capable de faire passer des émotions via de multiples moyens d’expression, quand je suis un tâcheron des mots, obligé de mettre cent fois sur le métier mon ouvrage pour pondre un paragraphe acceptable. Ses idées me stupéfient et m’étonnent sans cesse, et elle y met tellement d’intensité et de volonté que ça finit toujours par se concrétiser. Nous avons un peu travaillé ensemble sur des textes de chansons. J’espère vraiment que nous le ferons de nouveau. Mais il ne faut pas non plus tomber dans le piège de vouloir, puisque nous créons tout deux, le faire ensemble à tout prix. Ce serait un très bon moyen de s’engueuler, d’autant que nous sommes tous deux assez directifs et têtus.

Sandra: Tous nos projets sont communs, en un sens. L’autre y participe, même indirectement (il est là dans les insomnies, les doutes, les succès, les pleurs, même dans les phases d’isolement).

Mais pour une création conjointe à proprement parlé, je ne sais pas… Erwan est un orfèvre de l’écriture, il pense et façonne méticuleusement chaque pièce, la travaille et la retravaille jusqu’au résultat parfait (ce dont il ne conviendra jamais). Moi je suis plus brouillonne, intuitive. Il dirait que je bâcle, moi qu’il tatillonne, et tout cela finirait comme nos histoires de vaisselle, en éclat.

Mais des chansons, oui, pourquoi pas. On en a écrite une déjà, sur la nécessité d’inventer un nouveau langage amoureux («Ba.-BA sans les L réapprendre à délier, nos langues de l’appris, de l’apprivoisé »…) .

11. Sandra, pourquoi ce projet Je t’aime maintenant ? Quelle est la leçon que vous en retirez ? Erwan, dans un projet tel qu’Autogenèse (et les futurs tomes), quelle est la place que l’on accorde à l’amour dans cette critique virulente du monde tel qu’il est ?

Sandra: J’ai imaginé Je t’aime [maintenant] pour interroger notre rapport à l’instantané et à l’exclusivité dans l’histoire d’amour. Nous savons tous que nous ne sommes pas les seuls à composer le parcours de l’autre, que les mots qu’il nous adresse ont déjà été prononcés pour d’autres.

Faut-il en faire abstraction, ou au contraire admettre que ce passé construit la personne que l’on aime aujourd’hui ? J’ai débuté ce projet à la rencontre de mes anciens amours juste avant de rencontrer Erwan. Et depuis, sans que nous l’ayons décidé, ce cadran s’est arrêté sur cette 25ème heure, remettant en cause l’idée même de l’éphémère. La leçon est donc surtout une leçon d’humilité. Je parle d’amour mais n’y comprend toujours rien.

Erwan: Ah mais chère Charlotte, mon prochain roman parle d’amour, vous allez voir ! Et déjà dans Qu’avez-vous fait de moi ?, Léopold a un rapport biaisé au monde et à autrui parce qu’il s’aime mal (trop ou pas assez) ; partant, il sabote, inconsciemment, toutes ses relations amoureuses. Dans Autogenèse, il est aussi question d’amour : entre Virgile et Adèle, mariés de longue date, et l’amour est au centre de la vie de Jessica – ce qui la rend si malheureuse, d’ailleurs.

Crédit photo: Nora Aguer

Crédit photo: Nora Aguer

12.« Je t’aime maintenant… et plus si intensité », c’est finalement peut être cela la recette du bonheur : faire durer l’intensité ? Un remède miracle ?

Sandra: Non, pas de remède. Cet aveu est juste la seule promesse que je sois en mesure de tenir. Celle d’un amour sincère et pas bricolé, rafistolé à tout prix. Certains pensent qu’il faut se battre pour faire durer l’intensité. Je ne suis pas vraiment d’accord avec ça. Lorsqu’un roman est achevé, même s’il a été une belle réussite, il ne faut pas forcément chercher à en écrire la suite. S’échiner à retrouver l’élan des débuts, si élan il n’y a plus…

Alors bien sûr, comme toutes les petites filles élevées à l’idéal Candy, j’aimerais que l’avenir me prouve qu’il est des relations qui ne fanent pas. Un prince des collines planqué pour chacune quelque part. Bilan en toute fin de cadran, si nous pouvons patienter jusque-là.

Erwan: Pas mieux. J’ai eu pendant longtemps des postures théoriciennes sur ce qu’était l’amour, comment vivre avec ses sentiments, bla bla bla. Aucune idéologie amoureuse ne résiste à l’épreuve des faits et des jours. Alors on y va, à fond (même si je suis un vieux diesel par rapport aux capacités amoureuses 16 soupapes injection de Sandra) !

13. Le sentiment qui vous habite à cet instant

Sandra: L’envie.

Erwan: La sérénité.

14. L’amour, source d’inspiration ultime ? Parfois, le cliché veut qu’un artiste ne soit bon que s’il est malheureux et forcément seul, une absurdité ?

Erwan: C’est la colère qui me fait écrire, pas l’amour. Mais le manque d’amour, autour, me met en colère.

Quant au cliché des chants désespérés qui seraient les plus beaux… On traîne cette vision rance et nombriliste de l’artiste génie incompris depuis la période romantique, à un moment où l’individu surgissait peu à peu au monde à la suite du « je pense donc je suis », puis des Lumières, de la Révolution enfin, qui réinventa le citoyen en cassant les ordres. Il serait peut-être temps d’en sortir, non ? Je me considère comme un artisan, et personne n’a jamais prouvé qu’un ébéniste faisait une plus belle table si sa femme venait de le quitter.

Sandra: Quand j’aime trop (ou trop mal) je ne mange plus, je ne dors plus, l’idée de l’autre occupe tout mon temps, toute mon énergie. Quand je n’aime pas (ou que l’on ne m’aime plus), je me cache, je m’enferme, sans plus d’envie, et a fortiori sans plus d’envie de créer.

L’inspiration se pointe à l’équilibre. Quand j’aime juste.

Et depuis deux ans, les idées se bousculent…

Crédit photo: Nora Aguerguan

Crédit photo: Nora Aguerguan

La rencontre. Un duo attachant et détonnant vient vous parler amour et création!

11 Avr

Il y a quelques mois, j’ai eu le bonheur de participer à un nouveau projet, hélas qui n’a pas résisté au temps. J’avais alors demandé à deux de mes chouchous de participer à une rubrique qui s’appellait Emulsion. L’idée: raconter ce que chacun apporte à l’autre. Mettre l’humain et la rencontre au centre de tout. Ils avaient accepté et puis le projet n’a pas vu le jour. J’aurais aimé les faire découvrir à d’autres, en parler ailleurs qu’ici… et puis…

Les voilà donc, de nouveau sur le blog, mais différemment. Vous les connaissez séparément. Ils sont encore plus savoureux ensemble. (Interview en deux parties pour savourer leur conception du couple et de la vie. Photos inédites réalisées par Nora Aguerguan.)

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Crédit photo: Nora Aguerguan

Vous les reconnaissez?

Elle :sourire ravageur, regard pétillant, énergie débordante.

Lui : chevelure folle, regard à l’affût, sourire chaleureux et humour généreux.

Point commun : les mots, écrits, lus, murmurés, chantés, partagés, vécus.

Leur couple : un duo décapant, créatif et incroyablement attachant.

Sandra Reinflet et Erwan Larher. Cinq minutes avec eux et vous voilà dans un univers où l’humain, la création et la liberté sont les valeurs essentielles. Un couple exigeant, dévoreur de vies avec une seule volonté : vivre sa vie pleinement, ne rien regretter et surtout créer !

Erwan est un « orfèvre de l’écriture », auteur de l’inimitable Autogenèse, un roman ambitieux et inclassable qui nous embarque au côté d’un Candide des temps post- modernes (Suite à venir) et du vibrant L’abandon du mâle en milieu hostile.

Sandra est multiple : musicienne (Marine Goodmorning), voyageuse, auteur, photographe. Son dernier ouvrage : un livre tendre, émouvant et universel où elle retrace, avec justesse et sensibilité, les amours qui ont marqué sa vie : Je t’aime maintenant.

1. Dans vos dédicaces respectives, on sent le rôle essentiel joué par chacun dans le travail de l’autre : pour Sandra, Erwan est « son ancre » et pour Erwan, « la seule présence de Sandra dédore tout superlatif », hormis un soutien inconditionnel, quelle est la place de l’autre dans votre travail ? Premier lecteur ? Muse ? Conseil ?

Erwan: Ecrire est un processus très intime, très personnel, très solitaire. La place de l’aimé(e) ne peut être qu’excentrée, et redevient centrale en dehors des phases d’écriture. Comme Sandra écrit aussi, elle comprend mon besoin d’isolement – dans ces moments, je deviens son « ours du Berry ».

N’étant pas romantique, nul besoin de muse. Par contre, je suis attentif au regard et aux avis de Sandra, qui m’importent beaucoup, il va de soi (comment être amoureux de quelqu’un dont on mépriserait les opinions ?). D’autre part, sa personnalité passionnée, son rapport pétillant aux gens, aux choses, au monde me questionnent, m’enrichissent, me perturbent parfois ; indirectement, cela nourrit mon travail, mes personnages, mes points de vue.

Sandra: Erwan lit tout ce que j’écris. Il est mon premier critique, et comme je le sais sans concession, j’accorde beaucoup d’importance à son jugement. Je suis impatiente, et absolument pas perfectionniste, alors à la différence de lui, je montre facilement mes travaux. La seule chose que je garde secrète est le petit carnet que je porte toujours dans mon sac. C’est ma soupape de décompression. Entre ses pages, je couche des idées sans queue ni tête, dessine, sans chercher à bien faire. Si je savais que quelqu’un pouvait un jour le feuilleter, je ne m’autoriserais plus la même liberté, le même droit à l’erreur.

Erwan: Ah oui, il y a des choses très bien dans ton carnet, c’est vrai.

2.Deux personnalités fortes, deux projets de vie, et le quotidien, ça donne quoi ?

Erwan: Nous n’habitons pas ensemble. Sandra vit à Paris et je suis en résidence d’écriture dans le Berry. Nous ne nous voyons donc que pour le meilleur, épargnés par les chaussettes sales et la vaisselle à faire (heureusement, parce que Sandra et la vaisselle…). Grâce à Sandra cependant, qui est de la génération 2.0 (moi, j’en suis resté au Minitel), nous nous parlons tous les jours au téléphone. Je ne manque ainsi aucun épisode de son quotidien trépidant.

Sandra: C’est vrai, je suis une catastrophe ménagère ambulante, alors qu’Erwan est méticuleux, organisé. Je ne suis pas sûre que notre couple survivrait plus de deux mois dans un 40m2 parisien (d’autant plus que l’un et l’autre travaillons à la maison). Mais si nous ne subissons pas le quotidien, nous apprécions de le partager, une ou deux semaines par mois. Erwan est très doué pour les petites attentions au jour le jour, tandis que je suis en quête d’inédit et d’extra-ordinaire. J’admire sa constance, sa sérénité, son humour. Ils m’apaisent, équilibrent mes maladresses et mon tempérament enflammé.

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Crédit photo: Nora Aguerguan

3.Votre lieu de rencontre ne pouvait être qu’un lieu culturel, il fut le salon du livre du Mans, la 25ème heure, une évidence ?

Erwan:Ah non, pas du tout une évidence au moment au nous nous sommes rencontrés puisque je sortais d’une rupture, j’habitais encore avec mon ex et je n’ai pas été très aimable avec Sandra, lui affirmant que je n’étais pas prêt à commencer une histoire. Comme quoi, elle est de bonne composition et n’est pas une rancunière…

Sandra: Pour moi, cette 25ème heure était un signe oui. Elle faisait tellement écho à mon travail en cours sur les 24 heures ayant composé mon histoire d’amour… Ce ne pouvait être une coïncidence. C’est Erwan qui est venu vers moi, puis lui qui s’est éloigné. Entre temps il m’avait mimé Véronique et Davina au réveil. J’étais mordue…

Erwan:Je croyais que c’était mon interprétation de Mireille Matthieu qui avait fait la différence ! Comme quoi… Plaisanterie mise à part, il y avait oui une évidence telle dans cette rencontre que je ne me suis même pas soucié (fatuité ?) des don Juan littéraires qui ont tourné autour de Sandra toute la journée : j’étais certain que.

4.S’il fallait choisir un lieu pour symboliser votre couple ?

Erwan: Chinon. C’est là que nous nous sommes retrouvés, deux mois après notre rencontre, pour un déjeuner. Qui s’est prolongé jusqu’au lendemain soir…

Sandra: Moi je dirais Le Mans tout de même, parce que je suis une adepte (pour ne pas dire addict) des premières fois.

5.La devise de votre couple ?

Erwan: Tout pour l’aventure !

Sandra: Non ça c’est la mienne (quoiqu’il progresse). Pour nous deux, je dirais plutôt «Liberté». Erwan a l’intelligence – ou le fatalisme – de laisser la cage ouverte. Si je rencontre quelqu’un qui me plait, il m’encourage à le voir, expliquant «Soit c’est quelqu’un qui te conviendra mieux, auquel cas je veux que tu sois heureuse et le serai pour toi, soit non, mais je veux que tu le connaisses, pas que tu l’idéalises ».

Même si je ne suis pas jalouse, je n’ai pas encore atteint son stade de sagesse… Mais je l’admire tant que j’y travaille.

6.Deux adjectifs pour définir l’autre 

Erwan: Sandra ne peut se résumer en deux adjectifs mais comme je suis un garçon obéissant, je dirais solaire et intrépide. Et joueuse. Et créative en diable.

Sandra: Persévérant, généreux, drôle, droit, déterminé, fidèle (je suis nulle en maths).

 7.Un mot pour représenter l’œuvre et le parcours de l’autre 

Sandra:Vertical.

Erwan: Brillamment éclectique.

 

Le bleu des étoiles

14 Fév

Kévin Juliat (auteur du blog d’un littéraire ) qui écrit son premier livre, préfacé, s’il vous plait, par Monsieur Jean Philippe Blondel,  pour une jeune fille au projet ambitieux: tous les ingrédients étaient réunis pour m’intriguer.  Ni une ni deux je pars à la recherche de cette aventurière! Je suis alors tombée sur Aurélie, étudiante en master 2 édition à Rennes et qui pour mettre en musique ses connaissances a décidé de se frotter concrtèement au monde de l’édition.  Place à Aurélie pour vous parler de son projet avec les 5 W (explication ici)!

Cahier collection MoMa

Cahier collection MoMa

What

Une idée. Un projet. Qui était blotti depuis quelque temps dans un coin de ma tête et qui a vu le jour en janvier 2013. Un exercice aussi. Un examen de fin d’études. Bientôt une association. Peut-être un jour une maison d’édition.

Pour l’instant, Le bleu des étoiles compte un livre, à paraître le 27 mars prochain : La Vie hâtive, écrit par Kevin Juliat et illustré par Pauline Ledu.

Entre mai et septembre, une collection de livres d’artistes va être lancée : En cent bleus. Tout ce que je peux vous dire pour l’instant c’est que les premières parutions de cette collection seront surprenantes. Roman, nouvelle, slams, graff’, vidéo, photos, peinture, musique… ces livres joueront sur le dialogue des arts.

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Who

Je m’appelle Aurélie Monjoin, je suis née en région parisienne en 1990. J’ai grandi en Bretagne, près de Dinan. Passionnée de théâtre, j’ai longtemps écrit, joué et monté des pièces pour les compétitions interclasses du lycée mais aussi pour des concours départementaux et régionaux.

J’ai passé un bac littéraire spécialité théâtre et arts plastiques, et poursuivi avec trois années de prépa littéraire à Saint-Brieuc. J’ai pu y découvrir la Littérature, avec un grand L. Montaigne, Hugo, Sarraute, Colette, Gary, Aragon, Jaccottet, Césaire, Guillevic, Bonnefoy, Murakami, Auster, Zweig, Tolstoï… J’en suis sorti grandie.

À 21 ans, j’ai décidé de quitter la Bretagne et suis montée à Paris. J’ai intégré le master lettres modernes appliquées – édition de la Sorbonne et ai pu faire des stages à L’avant-scène théâtre et aux éditions Philippe Rey. Grande lectrice de poésie et amatrice d’art, j’ai consacré mon mémoire de M1 aux livres d’artistes du catalogue des éditions Dumerchez.

Mais la Bretagne me manquait et je suis donc revenue finir mes études à Rennes, avec le master édition de Rennes 2. Pas de mémoire cette année, mais un stage aux Presses universitaires de Rennes et plusieurs projets éditoriaux. D’où la création du bleu des étoiles.

 Aurélie Monjoin

When

À partir de janvier 2013 et au moins pendant un an. Le projet survivra en association dès l’été 2013. Pour le reste, alea jacta est.

Where

À Rennes principalement. Entre les salles de cours de l’université de Rennes 2 et mon petit appartement d’étudiante.

À Dinan beaucoup, dans le foyer familial. Plus de vie. Plus d’espace. Plus de calme aussi. C’est là que naissent toutes mes idées.

À Paris, un peu. Un morceau de moi est toujours là-bas, sur le quai Saint-Michel ou sur une terrasse de la rue Oberkampf. La plupart de mes auteurs y vivent : Kevin Juliat, Chantal Metzger-Roca, Gin Morello… Je m’y rends le plus souvent possible.

 image Le bleu des étoiles

Why

Parce qu’il fallait bien concrétiser cette idée. Le master était une bonne motivation pour me lancer.

Vous pouvez encore souscrire et ainsi recevoir, en édition limitée, le roman de Kévin en cliquant sur l’image ci dessous!

Aurélie vous attend sous Le bleu des étoiles!

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L’art de la fugue

23 Jan

 Aujourd’hui, je vous emmène au théâtre avec la compagnie Yoann Bourgeois et son spectacle L’art de la fugue.

Crédit photo: Christophe Manquillet

Crédit photo: Christophe Manquillet

Allier Bach et sa composition inachevée L’art de la fugue avec une chorégraphie mêlant le cirque et la danse, il fallait oser !

Yoann Bourgeois l’a fait et c’était un moment magique !

Sur scène, un piano et un très gros cube ! S’installe la pianiste qui tout de suite vous enveloppe du son de Bach, vous emporte loin.

Et puis tout à coup deux danseurs, le cube commence à s’effriter, à s’effondrer à grands bruits.

Jusqu’où la destruction va-t-elle s’opérer ? Jusqu’au point de non-retour où il ne reste plus que l’essentiel.

Le spectateur assiste à une déconstruction, la perte des repères, la fragilité de ce que l’on croyait solide, l’éphémère, l’instant présent qui dès qu’il est vécu n’est plus, cette tension de l’après.

Un regard parfois enfantin et rêveur nous surprend, au détour d’un instant de tension. Chacun ressent personnellement les émotions. J’ai souri parfois mais pas tant ri que d’autres personnes du public, j’ai plutôt pris de plein fouet l’absurdité de la répétition des chutes comme une métaphore de la vie, se relever pour mieux retomber. Recommencer toujours.

Le jeu des danseurs est millimétré, l’erreur serait fatale, un élément (je préfère garder le mystère car il en vaut la peine) fait basculer le décor et la tonalité de la pièce. Les étreintes et les querelles par le dialogue des corps sont sublimes.

Crédit photo: Christophe Manquillet

Crédit photo: Christophe Manquillet

En permanence, le spectateur est placé dans l’attente, parfois anxieuse : celle de la chute des danseurs, de la déconstruction du cube et enfin l’attente de la note ultime, celle qui viendra clore le spectacle, celle qui coupera en plein vol l’élan de Bach, celle qui n’était pas appelée à être la dernière et qui pourtant s’est trouvée devenir la note la plus importante !

Une heure de temps suspendu !

Un spectacle qui résonne encore en moi et qu’il faut savoir savourer à sa juste mesure !

L’art de la fugue est actuellement en tournée, n’hésitez pas, c’est à découvrir sans attendre !

Crédit photo: Christophe Manquillet

Crédit photo: Christophe Manquillet

Merci à l’Espal pour ce moment hors du temps!

Les affranchis: des lettres à savourer!

2 Jan

Après le billet-remerciements du 30 janvier, je vous adresse une nouvelle fois mes meilleurs voeux pour 2013, que cette année soit incroyable de tendresse et de découvertes et qu’elle comble tous vos rêves (enfin gardez en un peu pour la suite quand même!).

Cette année, je vais essayer de faire venir les éditeurs sur mon blog pour qu’il vous parle de ce métier, indispensable à la chaine du livre et pourtant trop peu méconnu. Mon envie : vous parler d’éditeurs indépendants qui se battent pour donner à la littérature ses lettres de noblesse.

A venir, bientôt !

Pour certaines collections ou maisons, je pourrais acheter tout nouveau roman sans hésitation, ce sera forcément une réussite, tel est le cas notamment des éditions Sabine Wespieser.

Il en est de même pour cette collection de chez NIL, conçue et dirigée par Claire Debru : les affranchis.

Le concept (je reprends les mots figurant en tête de chaque ouvrage): »  Quand tout a été dit sans qu’il soit possible de tourner la page, écrire à l’autre devient la seule issue. Mais passer à l’acte est risqué. Ainsi, après rédigé sa Lettre au père, Kafka avait préféré la ranger dans un tiroir.

Ecrire une lettre, une seule, c’est s’offrir le point final, s’affranchir d’une vieille histoire.

La collection « Les Affranchis » fait donc cette demande à ses auteurs : « Ecrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite. » »

Quelle idée géniale !

Et en plus quand c’est Annie Ernaux à la plume, ça ne peut être qu’une merveille !

fille

Annie Ernaux a décidé d’écrire à L’autre fille, celle qui aurait du être sa sœur, mais qui est morte avant la naissance de l’auteur. Une lettre émouvante sur l’héritage et la construction d’un être humain en dépit du poids des souvenirs et des douleurs. Comme à son habitude, Annie Ernaux nous offre un texte autobiographique, remplie de sensibilité et de simplicité.

« Dans ma chambre chez les parents j’ai affiché cette phrase de Claudel, soigneusement recopiée sur une grande feuille aux bords brûlés avec un briquet, comme un pacte satanique : « Oui, je crois que je ne suis pas venu au monde pour rien et qu’il y avait en moi quelque chose dont le monde ne pouvait se passer. » Je n’écris pas parce que tu es morte. Tu es morte pour que j’écrive, ça fait une grande différence. »

 

L’un des derniers nés de la collection est Le bruit des clefs d’Anne Goscinny.

clés

Je l’ai lu d’un souffle, sans osé le poser, de peur de réveiller justement ce bruit des clés. C’est à son père, le célèbre créateur d’Astérix et Lucky Luke notamment, qu’elle s’adresse. Elle n’entendra plus ce bruit des clés sur la table d’entrée, au moment il rentrait. Comment se construire face à un tel homme, comment faire le deuil d’un immortel ? Une lettre pudique, tendre qui fait monter les larmes. Une déclaration d’amour à un père, un hymne à cette vie si difficile à construire face à un père célèbre. Un récit qui me poursuit encore.

Magnifique.

« Papa, t’écrire c’est remailler une passerelle. C’est m’assurer que je pourrai l’emprunter jusqu’à la fin de ma vie. La parcourir dans un sens et dans l’autre. M’arrêter à mi-chemin et regarder la paysage. »

 

Une autre lettre touchante, celle de Linda Lê à l’enfant qu’elle n’aura jamais:

415JlPo9EsL__SL500_AA300_Un texte travaillé, à la langue riche et intelligente. Une réflexion intense sur la maternité et sur le choix du non enfantement. Une lettre brillante et touchante, sur le rôle d’une mère, sur ce que doit être l’éducation, sur le rapport de l’écrivain et sa crainte de perdre l’inspiration face à l’enfant à venir. Un texte dense et enrichissant!

A méditer!

Extrait: « Dans un monde qui court au désastre, la procréation est un crime, occulter le non-sens de l’aventure terrestre en attribuant à sa postérité la vertu de pallier ses propres ratages, c’est faire preuve d’aveuglement. »

« Près de toi, j’aurais désappris d’exiger des autres plus que de moi-même, j’aurais été moins désarmée, moins exposée aux fréquentes crises. »

Il me reste encore des lettres à découvrir, celle de Nicolas d’Etienne d’Orves, Bruno Tessasech ou Maxence Caron et cela me réjouit!