A l’heure où je quémande l’intensité des sentiments, l’instantanéité d’une émotion, la vie virevoltante, aimer et désaimer, s’emballer puis s’endormir, lire Erwan Larher revient à récupérer le fil parfois délaissé du temps qu’il faut pour construire une œuvre, un propos. De la distance qu’il faut pour voir le monde et le raconter. Il est, je crois, un bout de ma conscience politique.
J’ai rencontré Erwan Lahrer par Autogènese à l’heure où j’allais endosser cette robe noire croyant que c’était une cape de superhéros pouvant sauver le monde, remplissant un énième dossier d’inscription à sciences po sans jamais aller passer le concours. Il y avait dans ce roman la naiveté de l’utopie, la candeur d’une venue au monde, la critique d’un monde qui n’en peut plus de dériver, la construction d’un être sans passé ni souvenirs. Une fois, Indésirable fini, j’ai retrouvé Autogenèse, j’en ai relu des passages, et je l’aime toujours autant, la magie des premières fois perdure finalement.
Depuis, je n’ai pas manqué un des romans d’Erwan Larher, les ouvrant avec exaltation et inquiétude, et si pour celui-là ça ne marchait pas ? On est plus exigeant avec quelqu’un que l’on aime, dont on sait de quoi il est capable.

Dans Indésirable, les cœurs ont vécu, les corps ont souffert, la légèreté s’est barrée, pas si loin finalement, peut être juste au café du coin. Ou peut être qu’elle s’est nichée dans les vieilles pierres que l’on n’écoute pas.
Dans Indésirable, il y a la prouesse littéraire d’un personnage neutre auquel pourtant on s’identifie, s’attache, que l’on voit vivre. Il y a la vie d’un village qui prend place sous nos yeux avec le sens du détail, les traits vivants de chaque personnage, les questionnements politiques. La vie qui passe et s’arrête parfois.
Indésirable. C’est ample, c’est dense, c’est troublant, c’est drôle, c’est enlevé, c’est beau, c’est violent, c’est politique c’est la vie ensemble, c’est l’immense solitude. C’est humain, quoi. C’est Erwan Larher.
Même assombrie, le monde politique dessiné par Erwan Larher jamais ne se résigne. A la question que j’aime poser d’écrire, c’est quoi. En lisant l’œuvre d’Erwan Larher, peut être que la réponse serait : ne pas se résigner.
Mais parce qu’on ne se refait pas complètement, et que derrière le monde et ses affres, il y a l’humain qui se démène, c’est à la page 163 que mon ventre s’est un peu tordu, et qu’alors demeurera cette phrase : « Il devrait deviner qu’on ne fait pas sa vie avec quelqu’un comme elui. […] Quelqu’un qui a dû mobiliser d’extraordinaires ressources pour s’accepter et se faufiler dans l’existence, mais n’en aurait pas assez pour y inclure une altérité. »
Que voulez-vous on n’empêche pas un petit cœur d’aimer*.
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