S’il ne fallait en garder qu’un…

21 Déc

Plusieurs semaines que je cherche la porte d’entrée pour parler de ce roman. Pour une fois, j’ai relu ma chronique, la trouvant fade et sans saveur, je l’ai tournée dans tous les sens. Parfois il faut juste admettre qu’on ne peut pas être à la hauteur. Cependant, il me paraissait indispensable que ce roman figure dans mon petit espace. Loin des classements de fin d’année, des découvertes multiples et merveilleuses que j’ai faites avec notamment des premiers romans qui ont rejoint l’étagère des indispensables, il était évident que la dernière chronique de 2017 devait se faire sur ce roman. Car s’il ne fallait en garder un (mais pourquoi donc?), alors ce serait ce roman au titre magnifique, Et soudain la liberté de Caroline Laurent.

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Les rencontres marquantes sont rares, se comptent sur les fameux doigts d’une main, de deux si l’on est chanceux.

On se souvient du lieu et de l’heure, de l’ambiance et de la lumière.

Pour cette rencontre, on était au milieu d’un après-midi encore chaud, ma fille jouant sur le tapis de sa chambre, levant parfois la tête vers moi, assise sur son canapé, comme pour s’assurer que je n’étais pas trop loin. A la main ma liseuse, sur ma poitrine, endormi mon fils. Sans connaître l’auteur ou le thème, comme pour tous les premiers romans, ouvrir le fichier et lire.

Lire quelques pages et sentir le cœur qui s’emballe, le monde qui s’embrume. La voix d’Adèle s’éloigne, le souffle chaud de Thibault se fait discret, n’être plus là que pour ces mots lus et ressentis. Lever la tête et se rendre compte que le monde continue à tourner, tout de même, qu’il ne s’est pas figé. Et dans le même temps, se dire que l’on vient de rencontrer quelqu’un, un de ces êtres de papier qui rendent la vie plus riche.

Devoir arrêter la lecture, les enfants ont leur propre temps. Envoyer un message aux amies des 68 premières fois, leur disant : un de plus dans la sélection, alors même que cinquante pages, seulement, ont étaient dévorées et qu’elles n’avaient pas encore posé leurs yeux dessus.

Continuer la lecture et leur dire encore, aux amies, que ce livre émeut aux larmes, que la pépite est là.

Le jour de sa sortie, passer en librairie, se le faire offrir par sa maman (qui a lu le roman sait la portée symbolique). En relire de longs extraits.

Parce que le hasard n’existe pas, recevoir un message de sa libraire préférée : je suis en train de lire un roman, une merveille. La même merveille.

Un autre message : Caroline Laurent vient à la librairie. Prévenir l’amoureux qu’il devra gérer les enfants pendant une heure ou deux, il y a des rendez-vous que l’on ne peut manquer.

Se lever, ce 29 septembre en sachant que ce ne sera pas une journée de plus, mais une journée à noter, où le quotidien ralentira pendant une poignée de minutes.

Etre là, voir Caroline Laurent arriver et sentir submerger par une émotion considérable.

L’entendre parler divinement de son roman, avoir aimé le livre, l’auteur et découvrir avec un bonheur considérable la femme derrière.

Regarder tous les lecteurs lui faire dédicacer son roman, tenir le sien contre sa poitrine, fébrilement. Attendre d’être la dernière.

S’approcher, le livre en main et ne pas parvenir à dire pourquoi, ne pas réussir à dire, les larmes prenant place. Murmurer mon prénom, et rien d’autre.

Repartir un peu sonnée, étreinte par une émotion singulière. Embrasser Adèle, la border comme promis, lui raconter des histoires encore et la veiller. A mon tour, aller m’allonger et n’avoir qu’une envie, qu’un instinct : reprendre le livre, et le relire. Une troisième fois.

Trois fois. A chacune, redécouvrir le roman et ne pas sentir l’émotion s’étioler.

En le refermant, j’ai tenté de comprendre pourquoi. C’est sans doute le but de cette chronique, tenter de comprendre l’émotion à son paroxysme.

Est-ce la structure du roman, la vie d’Evelyne Pisier entrelacée des interrogations de Caroline Laurent ? Comme la naissance d’un écrivain à chaque page tournée. C’est cela qui est rare, avoir l’impression de vivre en direct une éclosion, celle de l’écrivain qui sommeillait en Caroline Laurent et n’avait pas encore osé être, et la voir se révéler. Terminer en se disant qu’Evelyne Pisier, en plus de son amitié, lui a fait ce cadeau de l’aider à devenir.

Cette vie magnifique d’Evelyne Pisier, mieux que tous les manifestes féministes ?

L’écriture lumineuse, même dans les instants de doute de Caroline Laurent ?

Tout cela sans doute, et le brin de magie que l’on n’explique pas et que l’on n’a pas envie de saisir, qui rend ces instants uniques. Ce quelque chose qui fait la lectrice boulimique, tenter de trouver des clés et des réponses aux questions profondes que l’on n’ose pas affronter.

Finalement, je ne sais toujours pas, je ne saisis toujours pas la portée du choc de cette lecture, de la fébrilité qui me prend dès que j’aperçois ce livre. Ce n’est pas si grave de ne pas comprendre, pourvu que l’on éprouve. Certains romans marquent des vies de lectrices, d’autres des vies de femmes. Celui-là fait indéniablement parti de la seconde, il sera un phare pour les jours de doute. Il est l’autorisation qu’il me manquait, cette petite voix qu’il ne faut plus taire sous des tonnes de doutes, de jamais et de « pas pour moi ».

Parce qu’en regardant ce livre, en se rappelant de sa lecture et de ses émotions, on sait que tout est possible, il ne reste plus qu’à s’inventer soi-même.

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6 Réponses vers “S’il ne fallait en garder qu’un…”

  1. Mylène 21 décembre 2017 à 19:23 #

    Je n’ai pas vraiment compris de quoi parle ce livre, mais tu m’as donné terriblement envie de le lire !

  2. theunamedbookshelf 22 décembre 2017 à 10:01 #

    En effet, c’est définitivement LE roman à retenir de cette année 2017 !

  3. Solène Vosse 1 septembre 2018 à 04:41 #

     » Ça se vit » ces grands moments de lecture. Après on a toujours du mal à poser des mots sur ce qui nous a chaviré l’âme….
    Et quoi que, je la trouve plutôt bien,, moi, cette chronique.
    Ce livre, je le veux. Alors hein…. 😉

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