« Je ne me souviens pas de toute ma vie car ici ne subsistent que le bord des choses et le bruit de ce qui n’est plus. »
Quand un roman comporte cette si belle phrase dans sa première page et que suivent des dizaines de pages aussi belles et profondes, comment peut-il ne pas être un coup de cœur ?
Les romans de Nathacha Appanah contiennent le monde et une musique singulière propre à cet auteur, à sa façon si délicate de saisir le pire. Elle parvient à capter la violence, celle de vivre; elle fait hurler les corps, vibrer les éléments, elle ajoute une poésie au monde, même le plus déchiré.
La colère et la révolte sont palpables, rien de feint dans les romans de Nathacha Appanah, tout prend corps, ce roman se lit le souffle coupé, avec une tension dramatique évidente, qui le rend addictif.
A travers la voix de cinq personnages, on plonge dans l’enfer de Mayotte, sixième ou principal personnage de ce roman, dans l’enfer des vies oubliées et des solitudes à combler.
Comment bâtir sa vie quand elle débute par un abandon, par un second quand la mère qui donnait tout s’effondre, il y a dans Moise une faille que l’on comblera, et la haine est une colle plus forte que l’amour, il en faut des tonnes, d’amour, là où un soupçon de haine suffit à tout combler, à embraser. Et parfois, le sauvetage est impossible, quand l’humanité est rompue, quand les autres ne tolèrent pas que l’on puisse s’en sortir, quand l’autre n’existe que par sa violence et son pouvoir; alors on sombre. On flirte avec l’enfer, l’enfer de mômes que l’on a fermé au monde, à qui on a voulu faire croire qu’il n’avait pas la même place dans le monde, que l’on a laissé sur une petite île, que l’on voudrait croire paradisiaque, sur carte postale.
Tropique de la violence fait place aux oubliés, sans jugement et sans remèdes, dénonçant peut être mais toujours avec un romanesque fou, une écriture puissante et magnifique, même le sombre est lumineux.
Il y a dans ce nouveau roman la moiteur de Blue Bay Palace, la profondeur d’En attendant demain et la délicatesse de la Noce d’Anna dans cette évocation de l’amour maternel, dans le regard porté sur l’enfant que l’on élève, à la fois terriblement amoureux et difficile, de cette dualité dans l’éducation; Il y a de cela aussi dans ce Tropique. Comment un être se forme, comment on devient en fonction de l’autre.
Mais ce qu’il y a surtout c’est une plume lumineuse, qui parvient à ciseler le réel, à le rendre dans toutes ses dimensions, c’est un livre qui se lit, et qui se vit mais surtout qui ne s’oublie pas comme un hurlement fracassant, comme une colère que l’on porte, désormais en nous.
Extraits
« Nous sommes seuls. D’en haut et de loin, c’est vrai que ce n’est qu’une poussière ici mais cette poussière existe, elle est quelque chose. Quelque chose avec son envers et son endroit, son soleil et son ombre, sa vérité et son mensonge. les vies sur cette terre valent autant que toutes les vies sur les autres terres, n’est-ce pas? «
« Prendre de longues inspirations, les retenir le plus longtemps possible, expirer lentement. Se faire petit, aussi petit qu’un caillou inutile. »
il n’était pas dans mes repérages… mais là, je crois que c’est indispensable!
Touchée… coulée…!
Je ne l’ai jamais lue mais ce titre-ci me fait diablement envie !
Comment résister ?!!!! je note je note
mille bises demoiselle