Le Tripode a cette exigence qui fonde les grandes maisons d’édition, celles qui ne transigent pas sur la qualité, qui à chaque publication offrent cœur et tripes.
En janvier, il proposait notamment deux titres saisissants, un premier roman, Noter Château d’Emmanuel Regniez et un roman comme une pierre dans la construction d’une œuvre, La femme au colt 45 de Marie Redonnet.
Un premier roman, un coup de maître.
Octave, Véra. Un frère et une sœur, seuls au monde, reclus dans un château. Et la folie qui monte insidieusement, qui étouffe petit à petit les personnages, les prenant dans les rouages de la perte des repères, de ce disque qui se raye offrant toujours la même rengaine, crissante parfois.
L’écriture est inventive, le rythme singulier. Tout est mesuré, la valse s’anime, la respiration prend la mesure de ces phrases courtes, de ces vérités assénées sans fioritures. Le texte est court, les thèmes abordés multiples tant ils sont dissimulés, tant ce roman regorge de mille petites choses.
Si des comparaisons doivent être faites, elles doivent être à la hauteur, il y a du Horla dans Notre château, dans ce mécanisme de montée en puissance, de cette terreur qui saisit le lecteur, cette folie qui s’installe, cette angoisse qui ne quitte plus le lecteur et qui inéluctable, continue d’obséder une fois le livre fermé. Certains y voient du fantastique à la Edgar Poe, pour l’ambiance peut être ; pour le reste l’auteur parvient davantage à plonger au cœur de l’intime, de la cruauté de l’autre, de ce mécanisme destructeur d’un duo infernal, de la manipulation psychologique aussi.
Magistral. Loin de tout ce qui peut être convenu, lu. Hors cadre. La puissance des grands.
Extrait
« Notre monde est contenu dans Notre bibliothèque. Notre monde est notre bibliothèque. Une maison qui contient beaucoup de livres est une maison ouverte au monde, est une maison qui laisse entrer le monde. Chaque livre qui entre est un fragment du monde extérieur et, tel un puzzle, quand nous posons ensuite le livre dans les rayons de notre Bibliothèque, nous recomposons le monde, un monde à notre image, à notre pensée. »
Pour en savoir plus: chronique radio
Ce premier roman fait, évidemment, parti de la sélection des 68 premières fois, aventure à laquelle vous pouvez vous inscrire jusqu’au 9 avril minuit.
Les romans du Tripode, à l’instar du superbe Le caillou de Sigolène Vinson, offrent des petits mondes, échappant à l’ordinaire et à la facilité.
Autre plongeon, La femme au colt 45 de Marie Redonnet. Entrez et laissez vous porter, ne résistez pas et embarquez dans cette fuite de femme libre.
Marie Redonnet livre un court texte, comme un conte philosophique sur la liberté, sur le destin d’une femme qui choisit ses armes. On ne sait pas bien où l’on est, ni où l’on va mais on se laisse porter par le souffle de ce roman, par la force de cette femme que l’on connaît si peu. Encore une fois, l’économie de moyens est saisissante et offre un récit aussi fort qu’il est court.
Extrait
« Je l’aime pour sa faiblesse et ses contradictions et aussi pour son désir de sortir de lui-même en vivant avec les oiseaux. J’ai l’impression que je lui ressemble même si je suis une autre. »
Prochaine lecture au Tripode: La grande panne, encore une belle promesse.
Le premier me tente beaucoup… et le second m’attend déjà sur ma pile ! Chouette ! 😉