Le caillou, Sigolène Vinson

12 Mai

Il est des livres que l’on attend avec impatience et fébrilité tant le précédent avait été important. Important ? Crucial plutôt, parce qu’il entre dans la catégorie rare des livres qui ont changé une vie, ceux qui accompagnent le bon moment, qui libèrent la parole, que vous conservez à portée de main pour en respirer l’air les jours de moins bien. Ceux que vous savez écrit pour vous, que vous pensez égoïstement écrit juste pour vous. (Mais de quel livre parle t elle? De celui ci J’ai déserté le pays de l’enfance, Sigolène Vinson)

Le livre d’après est difficile, le charme peut-il durer ou est-ce une passion inégalable ? (point de suspens, la réponse est oui !)

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Tenir Le caillou entre les mains, c’est arrêter toute lecture en cours, éteindre les téléphones, aller coucher sa fille à 5 heures de l’après-midi (dans tes rêves !), s’installer confortablement et se préparer à se faire secouer tendrement.

Parce que c’est ça la force de Sigolène Vinson, c’est qu’elle vient vous violenter, vous remuer dans tous les sens tout en vous caressant la tête et en vous rassurant, vous questionner sur l’humain, détester ses travers, sublimer sa fragilité.

Le caillou part d’une idée atypique : une jeune femme en décalage du monde (mais de quel monde parle-t-on? De celui qui ne prend l’humain que comme matière première, de celui que l’on cautionne par trop d’immobilisme), en décalage d’un monde, qui rêve de devenir caillou, revenir à l’essentiel des choses ? Non, s’estomper pour devenir insignifiant, ne plus faire de bruit pour ne plus subir les tempêtes. Passer la vie sans être vu, en quête d’un moyen pour survivre malgré tout.

Jusqu’à ce que la vie vienne toquer à sa porte en la personne d’un voisin, vieux et isolé du monde. Deux Robinson qui se reconnaissent, cette volonté d’accéder à la moelle d’une vie, trouver une raison à tout cela. Jusqu’à ce que ce voisin original ne décide d’abattre quelques cartes du jeu de la narratrice et la pousse à sortir de sa tanière pour aller en Corse trouver les raisons de continuer à être elle-même, à ne pas s’effacer aux autres,  trouver ceux qui l’aimeront et l’accepteront telle qu’elle, sans vouloir la façonner ou la sculpter.

Et si la solution était dans l’art, ce seul territoire de liberté totale et sans contrainte autre que la matière, cet espace comme un souffle d’air pur. Sigolène Vinson s’empare de l’art comme ressource, comme vecteur de compréhension du monde, comme vecteur d’une raison de vivre.

De l’art et des hommes. Quoi qu’on fasse, quoi qu’on veuille, on est en rapport avec les autres, telle est l’essence humaine.

Et c’est par l’autre que l’on devient soi, par le regard qu’il pose sur vous, par l’amour qu’il vous porte.

Un roman drôle et tranchant, où toujours l’espoir s’intercale entre les lignes. Un roman grinçant et délicatement loufoque.

Un équilibre parfait jamais rompu, une écriture sincère et authentique.

Une humanité rare de celle qui fouille l’essence de l’être, une plume intense sans faux semblants.

Un hymne à la liberté, dans la forme et dans le fond. Se jouer de l’autre. Se jouer du lecteur.

Un cri à être soi.

Un caillou précieux.

Un roman vivant qui ramène à l’essentiel, à ce que l’on doit être, à ce qui fait que chaque matin ça vaut la peine de se lever.

 

Extraits

« En me contentant de petits bruits, j’imagine que la vie passera sans m’apercevoir, qu’elle m’épargnera ce qu’elle n’épargne à personne. »

« Quelle autre trace pourrais-je laisser dans un monde qui refuse d’être remarquable, dont les mécanismes tournent à vide, parce que l’humanité a franchement paressé durant ces deux derniers millénaires ? « 

 « On a le droit de vouloir devenir un caillou, pas de le dire. Ca regarde qui, nos faiblesses ?

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7 Réponses vers “Le caillou, Sigolène Vinson”

  1. jostein59 13 mai 2015 à 09:00 #

    Je n’ai lu que de bonnes chroniques sur ce livre. Et je suis assez ébahie par l’originalité des romans proposés par Le Tripode.

  2. doume 4 février 2016 à 19:14 #

    Il y a tout ce qu’écrit Charlotte, et puis l’écriture … si originale, vivante, communicante, rendant proches et aimables cette fille et ce vieux monsieur !
    Je suis au milieu du roman et j’essaie de faire durer ma lecture, parce que je m’y sens bien.
    J’adore, j’adore ce livre !

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