L’air va manquer, on le sait dès les premières lignes mais on y glisse avec avidité. Victime consentante.
Anita, Adam, Adèle. Le triangle du drame. Un triangle amoureux. Le pitch est classique, trop lu, trop vu. Aucunement quand il est dressé par la plume de Nathacha Appanah.
Elle s’empare des états d’âmes, de ces pensées fugaces que l’on voudrait taire sans fard.
Anita et Adam, la rencontre évidente de deux êtres qui se reconnaissent; l’un se rêve peintre l’autre écrivain. Ensemble, ils se croient plus fort, prêt à faire quelque chose d’unique, à créer l’œuvre de leur vie.
Portrait sans concession des petits renoncements du quotidien, de la facilité à s’oublier pour rentrer dans les attentes du couple, dans les attentes de la société, de ces solitudes dans lesquelles il est si facile de s’enfermer.
Une plongée menée avec brio dans le sentiment déchirant de la culpabilité, culpabilité d’être soi quand on doit d’abord être femme, mère ( à noter: des passages justes et bouleversants sur la place de l’enfant) et tenir son rang. De l’impossibilité à se détacher sans haine de soi, sans haine de l’autre.
Une réflexion intelligente sur l’oubli des rêves et des ambitions, sur la facilité à mettre de côté l’essentiel.
Un roman violent, dans la même veine que Dans le jardin de l’ogre de Leila Slimani, avec cette sensation d’enfermement, ce huit clos chabrolien où l’on palpe l’enfer derrière chaque porte.
La langue est superbe, enlevée et graphique, musicale et envoûtante.
Extraits:
« Non, se persuade alors Anita, cette vie n’est pas moins courageuse qu’une autre au-devant du monde, dans les transports, chez les nounous, dans les crèches, non, cette vie n’est pas moins honorable qu’une autre dans le bruit du monde, à écouter, à parler, à réfléchir, à écrire. »
« Peut être que dans cette répétition, elle finira par découvrir ce qui lui échappe, retrouver ce qu’elle a perdu (mais quoi?), obtenir la solution (mais à quel problème? ) ou la réponse (mais à quelle question?). »
Tu es sacrément convaincante !
Parce que ce roman est très bon! L’atmosphère est vraiment singulière, on a vraiment l’impression de regarder par le trou de la serrure, d’entrer dans le monde intime de ces personnages!
Comment veux-tu que j’écrive mon billet après ta superbe chronique???