Le titre est une promesse, un titre à tiroir qui instantanément ravive émotions et souvenirs, un titre dont on sait qu’il cache quelque chose de fort.
Clémence, 15 ans, victime d’une agression sexuelle.
Clémence, 30 ans, maquilleuse dans une usine de poupées gonflables.
Ou portrait croisée d’une vie, une seule, faite de silence et d’anesthésie, de distance et de violence, ou comment se (dé)construire malgré tout.
Un roman puissant sur la culpabilité, celle que l’on se crée, celle qui ne repose que sur notre incapacité à vivre pleinement, celle que l’on se construit pour s’empêcher d’avancer.
De ce roman sur la perte d’un sens essentiel, il en reste des séquelles physiques, le lecteur ressent pour deux, le rapport si particulier à la matière et la froideur de ces poupées gonflables, cette vie sans la chaleur d’une main, la violence de ces rapports, sans amour, consentis pour se faire du mal, uniquement.
La précision est chirurgicale, de cette attaque on en est la victime, la lame, le regard, rien n’est épargné. Et cet enfermement, de ne pas dire pour rester libre, d’oser dire à celui qui n’est pas prêt à l’entendre, et qui ne trouvera à dire que l’absurde « mais ce n’est pas un viol », alors non ça ne l’est pas pénalement, mais là où la justice s’arrête, les blessures demeurent. Clémence avait 15 ans, envie d’aventure mais sage et douce. Après cela, elle ne voudra que violence et bestialité. Point d’amour. Impossible.
A trente ans, sans le ressenti physique, sans ce corps qui vit, à quoi servent les sentiments ? Quand tout est insipide et froid, rien de ces petits gestes réconfortants auxquelles on ne pense pas tant que l’on n’en a pas été privé, serrer une tasse chaude, une caresse, la morsure du froid réchauffée par un feu de cheminée.
Le décor pourrait être celui d’un film américain noir, cette usine de poupées est propice à l’imagination, cette ruelle, cet appartement aseptisé, une musique obsédante en fond, à la manière de Drive.
Delphine Bertholon maitrise avec talent la valse des émotions, cette juste distance entre le dramatique et le délicat, pour ne jamais plonger dans l’excès, pour que cette Clémence, ce soit un bout de nous, pour qu’on est envie d’hurler à sa place, de la sortir de cette bulle qu’elle s’est construite, de la serrer fort pour que lui parvienne une once de chaleur. Une cadence infernale entre celle qu’elle fut à 15 ans et celle qu’elle est à 30, à nous d’imaginer, celle qu’elle sera à 40 en l’espérant un temps apaisée et solaire.
Un roman sur la difficulté à devenir soir, à s’extirper des silences et de ses barrières que l’on se dresse.
Et surtout, un roman sur le corps, sur cet outil qui finalement est plus que ça, un roman vibrant sur celui que trop souvent on néglige. Un récit sensuel, littéralement.
Un récit empreint d’humanité et de violence, comme un appel au secours, comme une secousse pour nous pousser à vivre, pour ne pas s’arrêter sur les blessures mais s’en armer. Un récit où l’espoir et l’importance de l’autre ne sont jamais loin.
Delphine Bertholon était déjà une grande avec Grâce notamment, elle le démontre une fois de plus avec ce roman brillamment exécuté !
Chapeau l’artiste !
Salut, salut, je t’ai tagué ici : http://et-pis-stolaire.blogspot.fr/2015/02/liebster-awards-tag.html
Viens vite voir, et dévoiles toi 😉
Un roman qui m’a fait l’effet d’une claque !
une auteure chouchou !
Un très joli billet qui reprend à merveille les différentes thématiques soulevées. ♥
Plus les billets s’accumulent et plus j’ai envie de le découvrir, ce roman. J’avais bien aimé « Grâce ».
Figure tout en haut de ma PAL. J’ai hâte de le découvrir