Rendez vous du lundi, voici la photo proposée par Leiloona du blog Bricabook.
Crédit photo: Kot
Dernière rame
Premier métro.
Première station.
Première sur le quai.
Me glisser dans la rame, toujours la même. Place identique. Calée contre la paroi glacée. Mon casque vissé, la tête légèrement penchée. Me couper du monde.
Si seulement.
Si ces regards insistants ne passaient pas la barrière de mon blouson, seule je resterai.
Ils sont là, permanents. Je l’entends s’offenser cette grande blonde en tailleur et chignon tiré sur ce pantalon déchiré, haussant les sourcils. Jean déchiré, doudoune fausse fourrure, un vieux sac de sport sans forme. Quelle négligence, ma pauvre fille.
Ou ce mec qui ne parvient pas à voir l’étendue de mon décolleté et qui doit se contenter de mes genoux.
Cette lycéenne qui glousse avec sa copine, le jean déchiré c’est has been, t’es pas in si t’es pas en slim.
S’ils savaient comme je m’en fous de l’allure que je traîne le matin, le midi et le soir. Je veux juste que l’on ne me voit pas, je ne te regarde pas alors baisse les yeux. Je ne demande rien alors passe ton chemin.
J’entends ma mère : arrête de faire ta dure, tu t’en fous pas, la preuve ça t’agace ces gloussements et regards. Allez, Anais, arrête. Lève la tête, tiens toi droite, souris.
Et puis quoi Maman ?
Sourire encore ? Après tout ça ? Tous les matins, j’emporte ce sac trop lourd, l’essentiel avec moi par crainte de ne plus rien retrouver le soir. Ce pantalon, usé d’avoir été trop à genoux, et je dois encore sourire.
Sourire pour me lever à quatre heures, et par tous les temps endosser mon costume, mon matricule sur ce badge ?
Juste ce son de Nina Simone dans mes oreilles pourrait me faire sourire. Elle le trouvait où ce courage, cette force pour chanter Feeling Goods ?
Parce que moi je ne vois pas, je ne trouve pas.
Fin de partie.
Dernière passagère dans la rame.
Dernier métro.
Dernière sortie.
Super texte !!
Merci beaucoup Corinne!
Très beau texte ! Quelle dureté dans ces non-dits, ces sous-entendus…
Merci Stephie… Les non dits sont toujours violents, toujours…
J’aime beaucoup ton texte, il sonne juste et en dit beaucoup sur la condition de cette jeune fille.
En voyant la photo, pas d’idée. Et hier subitement, une évidence.
Je partage pleinement l’avis de Stéphie et j’aime cette variation sur les regards et les apparences.
Merci, merci!
Juste très beau.
Juste un grand merci alors.
Une claque. Bravo pour ce texte fort, juste, vivant. J’ai senti sa colère, la dureté de sa vie. Bravo !
Merci beaucoup Anne Véronique pour votre retour, je suis touchée. Sincèrement.
J’ai laissé un commentaire mais on dirait que j’ai bugué. S’il fait doublon pardon ! J’adore ce texte c’est une claque. Très bien écrit et maîtrisé. On ressent ses émotions et sa colère. Merci 🙂
Aucun problème pour le doublon, je prends le double de compliments!
Voilà. Mon commentaire revenait en erreur d’où la rédaction du second et finalement les 2 sont passés. Mais double félicitations méritées 🙂
Très imagé !!! 😉 A lire et relire dans tous les sens ,)
Merci Julie… Essayer de ne pas tout dire, laisser libre le lecteur, je m’y essaie…
La (sur)vie est dure… parfois…
Un superbe texte encore une fois, que d’émotions tu fais traverser ! 🙂
(j’ai changé le lien à l’instant, car il était erroné …)
C’est vrai qu’il est fort ce texte! Il est si émouvant! On se met à la place de cette jeune fille!
Merci Charlotte pour ces jolis mots!
bein dis donc ! un vrai coup de poing
Un texte très actuel effectivement. Quand j’ai pensé musique j’ai pensé rap mais Nina Simone quel choix , bravo !
Quelle dure réalité !
Très beau texte sur les apparences 🙂