Les premiers romans ont une saveur particulière, un goût inattendu, on attend d’être saisi, de pouvoir se dire « ça, je n’avais jamais lu », dans ce cas c’est gagné. Souvent, ils ont des défauts, la voix se met en place, les thèmes qui deviendront récurrents, les balbutiements de celui qui s’autorise à écrire vraiment, le roman qui sort des tripes (les suivants aussi mais on ne revit pas une première fois). Les grimaces de Jennifer Murzeau était une belle promesse, le vernis n’était que de surface dans ce roman, il fallait creuser derrière l’aspect « comédie dramatique » pour accéder à l’analyse que l’auteur esquissait de notre rapport au travail.
Jennifer Murzeau revient avec un nouveau roman où le vernis a totalement craqué, plus besoin de se cacher, les émotions sont vives et brûlantes, l’écriture a pris de l’assurance, elle s’est détachée de l’inutile pour s’attacher à la moelle, être au plus près de la vérité.
Jennifer Murzeau poursuit sa quête de l’incidence du travail dans notre vie et encore plus dans notre société, ce qu’il véhicule, ce qu’il dit de nous et de notre rapport aux autres.
Mais pas que.
L’auteur nous livre également l’autopsie d’un couple fondé sur des besoins d’ascension, de travail ambitieux, de beaux appartements, de vacances dans des lieux paradisiaques, de faux semblants finalement.
La perte de l’emploi comme catalyseur de la vie d’Antoine, le personnage principal. Une introspection douloureuse (une introspection peut elle être douce ?), une réflexion profonde sur les valeurs de nos vies, sur les ambitions d’une vie, sur la difficulté de tout remettre en cause en se confrontant au regard des autres. Et sur la nécessité de tomber pour se relever, de flirter avec le sombre pour se transformer, ce « et malgré tout, il bouge encore ».
Un tableau brut et intelligent sur la difficulté d’être soi et le cheminement de chacun vers sa propre vérité. Certains le qualifieront de roman générationnel ou résolument moderne, ce qui serait, à mon sens, trop réducteur, Jennifer Murzeau nous offre le portrait de notre époque et plus encore des êtres que nous sommes et des règles qui nous régentent, ce à quoi la littérature doit s’astreindre, nous aider à comprendre nos modes de fonctionnement, mettre le doigt sur ces failles qui nous dirigent. Ce roman a tout d’un grand! Une vraie réussite.
Un roman déroutant et percutant ! Un écrivain est né.
Extraits
« Arraché à sa fonction, privé de son étiquette, Antoine est vulnérable. »
« Comment une décennie peut-elle laisser si peu de traces, si peu d’accomplissements, si peu de fierté. »
« Il veut s’oublier dans une nébuleuse mâtinée de liberté, de « tout est possible, de « sous les pavés la plage, d' »on ne vit qu’une dois », d' »on est ce qu’on fait », il veut du flou, du n’importe quoi, mais du positif ».
Vous pouvez retrouver Jennifer Murzeau dans l’interview Si on parlait écriture!
J’ai déjà « il bouge encore »!
Effectivement Clara! Date initiale aujourd’hui mais déjà sorti en réalité! Bonne lecture alors!
bon bein voilà j’en ai envie…
Et tu dois céder Lucie, parce qu’il te parlera forcément. Ces cases à remplir dans la société pour être considérée, la place accordée à ce que l’on fait plutôt qu’à ce que l’on est…
Il est sur le point de rejoindre ma PAL… hâte de le recevoir ! Tu achèves de me mettre l’eau à la bouche…
Un vrai roman intelligent! J’attends ton avis alors!