On retrouve la collecte d’Olivia aujourd’hui!!
Les mots étaient: versatile – hétaïre – uniforme – vêtement – cloque – jaunissant – démagogue – manne – goguenard – tablette – illusion – forteresse – confident – griser – manchette – occupation – orée – sonnette
Voici ma petite participation:
Elle en avait croisé des hommes : des bourrus à l’air goguenard qui la traitait comme un morceau de chair, usant de la sonnette qui la ferait se déshabiller et sortir de l’anti chambre, dès le premier pied posé dans la pièce ; des beaux parleurs qui tentait de l’amadouer par des belles promesses, des tribuns démagogues tellement habitués à cet exercice qu’ils n’avaient pas compris qu’il suffisait de payer pour obtenir ce qu’ils voulaient. Il y avait les violents aussi qui lui grimpaient dessus comme on prendrait d’assaut une forteresse et ceux pour qui c’était la première fois, ne sachant pas comment faire et tellement apeurés qu’ils en devenaient versatiles et parfois dangereux.
Mais de ce genre-là, elle n’avait encore jamais vu. Elle l’avait cru différent, avec son uniforme et ses médailles. Il parlait peu mais la regardait avec une intensité qu’elle n’avait jamais connu. La première fois, ils n’avaient rien fait, il s’était contenté de la regarder. Il lui avait dit de faire comme s’il n’était pas là. Ne sachant quoi faire, elle avait fait ce geste qu’elle exécutait tous les jours : elle s’était allongée sur le lit mais pour une fois, elle s’était endormie et n’avait pas été tiré de son sommeil par l’un de ses bourreaux.
Au réveil, il n’était plus là, il avait simplement déposé la somme prévue sur la tablette près de la porte.
Il était revenu le jour suivant, il était entré dans la pièce, avait déposé sa veste sur le tas de vêtements que le porte manteau supportait déjà. Sa chemise à manchette, jaunissante contrastait avec cet uniforme si chic qu’il arborait, elle ne put que s’en faire la remarque.
Il s’était approché d’elle, lui avait caressé le visage doucement, lentement. On n’avait jamais pris soin d’elle comme cela, la douceur n’était pas dans ses habitudes. Il l’avait invité à s’asseoir au bord du lit, elle n’osait pas bouger de peur de faire un geste malheureux et ainsi de briser ce moment de calme et de répit.
Et puis, d’une voix grave, il lui raconta ce qu’il venait de vivre : la guerre, les horreurs qu’il avait vues, les gens qu’il avait dû tuer, l’occupation du territoire par l’ennemi qu’il ne supportait plus. Et puis il en arriva à sa fuite : alors que son régiment était posté à l’orée d’un bois, il avait couru plusieurs heures sans s’arrêter ; n’osant regarder derrière lui.
S’arrêter, c’était mourir.

Source. Photo tirée du film L’appolonide, souvenir d’une maison close
A la fin de son récit, il s’excusa de lui avoir raconté tout cela, de l’avoir choisi elle comme confidente, elle n’avait sans doute pas besoin d’ajouter de l’horreur à son quotidien.
Elle ne parla pas, se déshabilla, s’allongea sur le lit et lui fit signe de la rejoindre. Il s’exécuta. Elle était grisée par le regard de cet homme, par sa délicatesse et sa fragilité, alors elle l’avait aimé, pendant une nuit au mois elle lui avait fait oublier le monde extérieur, lui avait donné l’illusion qu’ils étaient seuls au monde.
Pour la première fois, elle avait retenu ses pensées qui habituellement s’envolaient pour ne pas prendre conscience de ce qu’elle était en train faire ; là elle voulait vivre l’instant présent pleinement. Elle avait la sensation qu’il était sa manne, qu’il était celui qui pourrait la sortir de son enfer, et qu’enfin elle pourrait être la femme d’un seul homme.
Au petit matin, il s’était levé, l’avait regardé et était parti.
Cela faisait six mois, six mois qu’elle l’attendait, six mois que son ventre grossissait.
Six mois qu’elle vivait dehors, parce qu’une hétaïre en cloque, ça ne rapporte plus lui avait hurlé à la figure la tenancière du bordel quand elle avait appris la nouvelle.
Depuis six mois, elle avait refusé de se livrer à d’autres hommes, elle l’attendait lui.
Depuis six mois, son bébé grandissait tandis qu’elle mourrait, à petit feu, trop naïve d’avoir cru qu’il reviendrait…
Très triste . Des phrase percutantes . « s’arrêter , c’etait mourir » …
Merci pour les phrases percutantes!!! J’aime lire ce genre de phrases, comme ça, poser sans détour au milieu d’une histoires alors si tu as relevé celle là, je suis ravie! Merci!
Un très beau texte, si poignant ! Bravo !
Merci pour ces compliments!
Bravo. Magnifique et triste.
Je n’arrive pas à écrire des textes légers et gais alors triste oui effectivement…
Très impressionnée par ce « jeu » !
Bravo pour ce lyrisme et sa justesse…c’est superbe et poignant!
Deux compliments qui me touchent beaucoup!La justesse est tellement difficile à atteindre, peur d’en faire trop ou pas assez..
Merci!
Terriblement émouvant !!
Merci Adèle!!!
Oui, un très beau texte, et je suis content d’avoir proposé hétaïre…
Effectivement, au début mot effrayant et finalement il m’a permis de donner naissance à cette petite histoire donc merci beaucoup pour ce mot!
Tout en sensibilité… Bravo à toi 🙂
Merci !!!! Pour une fois, je savais où je voulais aller, comment l’histoire se terminerait, il fallait faire le reste…
Ton histoire est touchante et très bien écrite. 😀
Merci beaucoup!!!!
La naïveté touchante et horripilante à la fois des femmes…
oui mais si on ôte toute naïveté, il ne reste que le cynisme…
waaaa magnifique!!!!
Merci beaucoup! Ca se voit pas mais je suis toute rouge!
Bonjour,
très beau texte, entre douleur et espoir…mais ce dernier semble fuir…
Bonne fin de semaine
@mitié
Lisant la liste des mots, je me demandais comment tu pouvais placer « hétaïre ». Je parcourais petit à petit ton texte et le seul mot qui s’imprimait dans mon esprit était « magnifique ». Ton plus beau texte selon moi. Joli WE
Merci beaucoup… J’ai beaucoup aimé écrire ce texte et pour une fois je n’étais pas trop mécontente du résultat!
Bonjour Charlotte !
Je commence par te remercier car c’est par l’intermédiaire de ton blog que j’ai découvert les ateliers d’écriture sur le net… c’était fin janvier… Oui, j’ai mis du temps à te laisser enfin un petit mot… mais vraiment un grand merci !
Ton texte est magnifique et très poignant. Il m’a beaucoup émue. Bravo !
A bientôt.
Super contente d’avoir été l’instigatrice de cela alors!!!
Merci pour les compliments également!!!
Un texte poignant!
Antonio
Merci Antonio!
le mot hétaïre t’a inspiré, moi il m’a bloqué. De l’art de faire d’un obstacle une opportunité : bravo !
Merci!! J’avoue que quand j’ai eu la liste, je me suis dit Aie et qu’à la fin je me suis dit qu’en réalité c’était super d’avoir ce mot!
Tragique dénouement… peut être est il mort ou retenu quelque part. Tu as si bien ficelé ton récit qu’on se retrouve désoeuvré aux côtés de cette femme « engrossée » et abandonnée. Bravo
Coincoins tragiques
Peut être…Sans doute d’ailleurs… Merci pour ces jolis compliments!
Très beau texte bien que la fin soit plutôt sordide… Tu as pris le temps de construire l’histoire et c’est vraiment superbe!