Des mots, une histoire (3)

23 Déc

Pas de récolte de mots chez Olivia cette semaine, mais l’envie d’écrire tout de même… Vous y retrouverez vos mots qui étaient:

Certitude, bonheur,  insatiable, collimateur, déchainée, salle de réception, gredin, amitié, sincérité, chimère, bataclan, bonheur, facteur

 

ELLE

« Elle avait lu, plein de fois, ces récits où le héros partait, réalisait son voyage initiatique. Elle était toujours restée incrédule, avait toujours trouvé cela un peu naïf, un peu trop romantique. Elle pensait que cela ne se vivait que dans les livres.

Et pourtant, elle était partie.

Elle n’avait jamais été seule, confrontée à elle-même. Cela l’effrayait et pourtant elle ne pouvait plus refaire machine arrière, c’était une question de survie. Il fallait qu’elle sache, il fallait qu’elle avance.

Elle était partie sans son sac, ce compagnon qui pourtant ne la quittait jamais, elle avait abandonné ses petits secrets, ses petits carnets. Elle ne pouvait pas partir sans rien, comme ça, comme une vagabonde.

Il fallait qu’elle repasse chez elle, chez eux. Revenir dans leur appartement.

Elle réfléchit, elle se dit qu’elle avait le temps d’y passer avant qu’ils ne se rendent compte de son départ, avant qu’il ne revienne de la maison familiale pour la chercher.

Elle prit le métro, désert en ce soir de Noel… Quelques âmes égarées erraient dans les couloirs, dans les rames. Ces gens qu’elle avait toujours regardés en se disant que cela était triste d’être seul, de ne pas avoir de but, de déambuler, de traverser la vie sans vraiment s’en rendre compte. Mais ce soir, elle se sentait proche d’eux, elle avait envie de leur crier de se réveiller, de réaliser leurs rêves, de vivre et non pas juste de survivre… Elle descendit à sa station « Filles du calvaire », ce nom lui faisait froid dans le dos ce soir, elle passa devant le Bataclan tout illuminé qui devait servir de salle de réception pour un de ces Noel enchantés.

Elle entra dans l’immeuble, monta les escaliers en courant comme si le temps lui manquait, prit la clé qu’ils cachaient toujours dans la niche à côté de la porte et entra dans l’appartement, sombre et froid.

Elle fut prise d’un vertige. Elle allait vraiment quitter cet endroit. Elle était tiraillée entre deux sentiments : l’urgence et la retenue, la peur du vide et le besoin d’inconnu.

Et pourtant, elle doutait de la sincérité de ce bonheur affiché, de cette vie qu’elle s’était construire… et si tout cela n’était que chimère ?

Elle était comme fiévreuse, agitée, déchainée, comme si quelque chose la poussait, comme si une force lui disait de courir loin, très loin.

On disait d’elle qu’elle était exigeante, toujours insatiable, qu’elle ne savait pas se contenter de ce qu’elle avait, qu’elle avait pourtant tout pour être heureuse. Elle n’en pouvait plus de ces gens bien-pensants, remplis de certitudes pour qui l’argent était synonyme de bonheur. Elle avait la sensation d’être dans le collimateur de ces gens-là, la cible facile et idéale. Ils ne comprendraient pas sa fuite, mais cela lui était indifférent.

Plus de doutes, elle devait prendre l’air… Mais elle l’aimait lui, elle allait lui faire du mal ou alors elle allait le libérer, lui permettre de refaire sa vie avec quelqu’un qui saurait l’aimer pour ce qu’il est, qui ne serait pas aussi compliqué.

Elle alla dans le bureau, prit son passeport et l’argent qu’elle avait retiré la semaine précédente. Elle s’était trompée, elle était en pleine conversation, du monde la pressait derrière, elle avait appuyé sur le bouton sans se rendre compte de la somme qu’elle avait retirée. Elle ne croyait pas aux signes du destin, elle s’était trompée voilà tout.

Elle entassa quelques vêtements dans son sac et s’arrêta devant sa bibliothèque. Elle avait toujours trouvé ridicule la question : quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ? Qui aurait envie de partir sur île déserte au risque de dépérir, de devoir se retrouver dans des conditions primaires ? Et pourtant, elle avait l’impression d’être dans cette situation-là. Elle prit trois livres, deux carnets vides, son crayon qu’il lui avait offert et qu’elle chérissait tant, un marque page d’enfant avec une illustration tirée de l’album «Les deux gredins ».

Elle n’était pas matérialiste, elle ne se définissait pas ainsi, mais elle aimait les petites choses qui lui rappelaient des souvenirs, ses amitiés, ses moments partagés. Elle savait qu’il ne fallait pas, qu’il fallait les laisser là, qu’il fallait remettre les choses en perspective, que chaque objet, chaque personne, chaque sentiment devait prendre la place qui lui revenait.

Elle posa une dernière fois son regard sur cet appartement, se décida à laisser un petit mot pour qu’il ne s’inquiète pas démesurément et elle claqua la porte, sans voir par terre l’avis de passage du facteur, qui pourtant aurait peut-être pu la retenir. »

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3 Réponses vers “Des mots, une histoire (3)”

  1. Olivia Billington 23 décembre 2011 à 12:20 #

    Bien la fin ouverte.

  2. nyfea 23 décembre 2011 à 18:01 #

    Bravo
    Tres chouette texte

  3. Valentyne 23 décembre 2011 à 19:59 #

    J ai bien aimé suivre ses pensées qui expliquent sans expliquer 🙂

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